2. …C’est pourquoi il faut s’attacher au commun. Car le commun unit. Mais lors que le logos est commun aux êtres vivants, la plupart s’approprient leur pensée comme une chose personnelle.
Chers toutes et tous,
Je profite du regain printanier qui me redonne quelques élans pour vous présenter ma dernière série de sculptures, Life is a Piece of Cake.
Pour illustrer cette série j’ai choisi cet étrange fragment, le deuxième sur 137, qui peut nous égarer, voire rebuter carrément, et dans lequel Héraclite aborde cette notion du logos qui lui est attribuée.
Pour mieux comprendre, le logos est avant tout la parole en tant que formalisation de la pensée.
Une extériorisation de notre flux de pensées internes.
La fameuse verbalisation.
Mais, gambadant telle une patate chaude, de philosophe en philosophe, à travers Platon, Aristote, Xénocrate, Heidegger…Ce logos grec à l’origine sera assimilé au ratio latin pour devenir la logique au sens de rationalisation de la pensée, et finir comme « ordre des choses » !
Maine de Biran, dans son journal de 1823, indique aussi que Pythagore, Platon et les premiers philosophes chinois ont également employé ce terme de Logos pour exprimer la manifestation de l’être ou la raison suprême.
Dans la série Life is a Piece of Cake, on voit des personnages sur des parts de gâteaux occupés à diverses activités, quotidiennes ou récréatives.
Formant un ensemble et un tout, chacun prend sa part du gâteau d’instants de bonheur.
Les chrétiens savent que le logos renvoie aussi au Verbe, parole de Dieu venue s’incarner, dans l’une des mes thématiques centrales préférées des retables flamands du XVème siècle, la scène de l’Annonciation…
La Vierge, le Lys, la délicieuse colombe… Les tentures, les riches textiles, les ors qui nous rappellent ceux de la République en ce moment peu opportun…
Rien ne manque au touchant portrait de famille de la future fille-mère, si ce n’est le Père dans son incarnation charnelle.
Et à ce titre j’ai déjà traité un dérivé de ce thème via une sculpture nommée Joseph, qui parle des seconds couteaux de l’Histoire à travers une réinterprétation de Guillaume Tell.
Il fallait donc nécessairement fracturer un peu toute cette belle solennité.
« Dis, tu l’as vu mon gros Verbe ? » Ainsi glissais-je facétieusement autrefois à l’oreille de mes camarades de préparation d’agrégation d’arts plastiques de délicieuses boutades propices à notre amusement.
A la fois lourdeur et éther, le Verbe descendrait donc du divin.
Mais ce qui est certain, en tous cas, c’est que le logos, ou sens de verbalisation ou d’écrit, est performatif de la pensée.
Je suis ce que je dis.
Bonald l’a très bien décrit lui-même : « Il semble même que les anciens connussent cette vérité, que toutes nos pensées sont dans nos paroles, lorsqu’ils comprenaient presque toutes les sciences sous le nom de grammaire, qui est proprement l’art de parler, et que les Grecs appelaient du même nom logos »
La Vie, les coachs et les psys vous le diront volontiers, n’est autre que ce que nous la verbalisons, négociant sans cesse les objets de notre propre référence, et avant même de faire quoi que ce soit.
Dans ma représentation du monde, la Vie est donc ce que j’en dis.
Je vous laisse en tirer vos propres conclusions et m’en faire part, et en attendant, à travers ces sculptures, je vous propose de délicieux moments de grâce senza parole, en silence, car pour paraphraser Edward Hopper :
“Si je savais le dire avec des mots, je n’aurais pas besoin de faire des sculptures.”
Bien à vous toutes et tous,
Maroussia
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