123. La nature aime à être cachée
Chers toutes et tous,
C’est tout à tour couverte et découverte, saisie telle un lardon sautillant dans la poële entre les effrois laissés par le souvenir des glaces hivernales, et la douceur par trop délicate des délices printaniers, que je vous invite à découvrir une série d’aquarelles qui rendent compte du balancier actuel. (Non, je ne parlerai pas des élections).
Se survêtir encore et toujours, puis se découvrir à l’occasion d’une éclaircie, dans une alternance contradictoire et pourtant complémentaire, voilà bien qui pourrait permettre de jouer avec les sens du mouvement créateur perpétuel, à défaut d’en tenir un bien franc.
« Si l’art, la peinture en particulier, est la visibilité même, il montre l’invisible, il fait apparaître le caché. Il ne le fait apparaître qu’en tant que le caché qu’il montre aime à se cacher, préserve son mystère, demeure tout aussi bien voilé.
Dit autrement, l’art montre non seulement le visible, mais également l’invisible. Le montrant, il le dévoile tout en le maintenant invisible, il le montre comme invisible, fondamentalement invisible. » Franck Robert
Cette série d’aquarelles a vu le jour au coeur de l’hiver, mais c’est en plein printemps que je vous la montre.
Réalisée entre tension et décontraction.
Tension des phases contraintes de la vie,
Décontraction de moments sereins d’un luxe inouï.
Tension de la contracture roide des froideurs,
Décontraction à la perspective de la saison des amours.
Tension du sauvage qui ne se laisse pas approcher,
Décontraction de la peluche qui se caresse des yeux.
Tension de l’approche du prédateur qui rôde,
Décontraction face à l’inoffensif objectif.
La nature aime donc à être cachée, nous communique Héraclite il y a plus de 2000 ans.
C’est qu’il maîtrise parfaitement la question, ce bougre qui a fuit la charge du pouvoir pour l’idéal de l’ermitage.
Retiré dans le temps d’Artémis, se contentant de jouer aux osselets avec des enfants, il est rattrapé par les gens d’Ephèse afin de gouverner la cité : et comme il n’est point d’abri, même à l’ombre du divin, il choisit de disparaître de la vue et de la portée de l’Homme par nécessité, sa condition unique d’une existence libre.
Pour vivre heureux, vivons cachés, serait la recette?
Il va cependant devoir revenir à l’Humanité, hydropique, tombé gravement malade en mangeant des plantes. Pas la bonne recette donc?
Les médecins ne comprennent pas ses demandes, exprimées, à sa manière bien particulière, sous forme d’énigmes, et il finira par mourir de son mal après avoir tenté de se soigner par lui-même.
Ces diverses aquarelles comportent à la fois la part de caché qui est la condition vitale de notre survie psychique, et la part de dévoilé qui est la condition non moins vitale de notre survie physique.
Nos transactions, nos tractations, nos négociations, nos polarisations:
Sélectivité du sens profond dans l’art, puis jouissance de l’illustration narrative.
Prouesse technique au sens classique, puis crobard vite fait sur un coin de table.
Sérieux à en mourir, puis crever de rire…
Comme le dit aussi Shopenhauer, ainsi toute notre vie oscille entre le désir et l’ennui.
Désir d’emploi du chômeur, ennui du salarié.
Désir de tomber amoureux, ennui du couple.
Désir de solitude, ennui de l’isolement.
Et par extension :
Désir de la forme libre, ennui du jaillissement?
Désir de la maîtrise, ennui de l’effort?
“Etre libre, c’est choisir ses contraintes”, disait l’autre. Hum!
Bien à vous toutes et tous,
Maroussia
06 60 27 26 10